La barbe ! Il faut se raser. Et après, parfois, ça chauffe un peu. La faute à des cellules qui meurent trop tôt. Explications.
Non. Ce n’est pas une vengeance de la toison brutalisée. Ni bulbes qui picotent, ni poils qui se rétractent. Si ça tire ou si ça chauffe, c’est plutôt la peau qui se plaint car on lui a cruellement raboté ses cellules protectrices avant que celles-ci aient pu vivre leur vie.
Cela tient à la composition de notre enveloppe charnelle : un matériau composite, fibreux et innervé qui pèse en moyenne environ 4 kilos par individu. De bébé ou parcheminée, la peau est toujours construite sur quatre niveaux. À l’extérieur, c’est la couche cornée. Très mince (de l’ordre de quelques centièmes de millimètres), elle nous protège des agressions bactériennes et maintient la température à 37 degrés. À l’étage en dessous, c’est l’épiderme, un petit peu plus épais. Au rez-de-chaussée, le derme. « On peut le comparer à une charpente faite de fibres élastiques perpendiculaires » indique Hassan Zahouani. Plus bas, au sous-sol, l’hypoderme est composé de cellules graisseuses, « comme un matelas qui permet de résister ». Traversant cette construction, il y a des cellules sensorielles. À l’écoute de la peau, elles transmettent des messages au cerveau.
La première couche – celle de l’extérieur – est en perpétuel renouvellement. « Les cellules du niveau inférieur, riches en lipides, remontent et viennent les remplacer. Les cellules mortes sont éjectées ». Quand on pèle, ce sont ces cellules mortes, particulièrement nombreuses qui s’en vont après l’agression du soleil. « En temps normal ,on perd en moyenne 3,5 grammes de squames par mètre carré sur nos paumes, 0,1 gramme sur nos avant-bras » indique le tribologue.
Et la barbe alors ? Lorsqu’il s’attaque aux 10 000 à 20 000 poils qui la composent, le rasoir dérange toute cette belle organisation. Notamment quand il ne va pas dans le sens du poil ou bien s’il est usé. « La lame enlève des cellules qui ne sont pas en fin de cycle, qui ne sont pas encore des squames ». Arracher ce ciment lipidique, qui assure l’étanchéité, revient à fragiliser la barrière protectrice. Cela actionne un signal de douleur qui parvient au cerveau.
Certaines peaux sont plus sensibles que d’autres. Question de patrimoine génétique. L’eau tiède peut assouplir le crin, ramollir la peau mais seule une substance grasse agit comme un film protecteur qui s’interpose entre le rabot et la couche vivante. Un peu comme l’huile dans une poêle pour éviter que « ça accroche ». Encore faut-il trouver le produit « au poil ». Celui qui assure ce rasage en douceur n’est pas le même pour tous. Certaines molécules se marient plus ou moins bien à telle ou telle peau, jusqu’à produire l’effet inverse, fragilisant la couche de squames et son ciment. Et là, évidemment, le rasage devient encore plus rébarbatif.